23 janvier 2024
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- Greenwashing / Écoblanchiment
Conseils pour identifier les marques qui pratiquent le Greenwashing
Le “greenwashing”ou écoblanchiment fait de nombreuses victimes. En plus d’induire les consommateurs et les consommatrices en erreur, l’écoblanchiment trompe également les professionnels et professionnelles du secteur de la mode. Il est plus difficile pour le secteur de la mode de devenir réellement écologique et durable si les données sont faussées de prime abord. Alors comment s’assurer qu’on ne contribue pas à des pratiques d’écoblanchiment en tant que détaillant ou professionnel ?
Le greenwashing est une pratique utilisée par les entreprises lorsqu’elles veulent se faire passer (intentionnellement ou non) pour une entreprise “verte” ou durable. Cela passe par des déclarations fausses ou incomplètes, l’absence de preuves ou par le fait de mettre l’accent sur les petites initiatives durables comme l’utilisation d’emballages recyclés ou le lancement d’une collection durable tout en continuant à surproduire.
Pour lutter contre le greenwashing, il faut déjà comprendre ce qu’est la mode éthique, ou durable. Il y a beaucoup de similitudes entre la mode durable et circulaire, mais la mode circulaire va un peu plus loin dans le sens où elle se concentre sur les cycles des ressources et prend également en compte la phase de conception, la phase d’utilisation et la fin de vie du vêtement.
La durabilité ou l’éco-responsabilité est surtout liée aux personnes, à la planète, à la façon dont le produit est fabriqué et à l’impact du produit sur la terre. En réalité, lorsque les professionnels parlent de durabilité, ils et elles ne s’intéressent qu’à l’impact du produit sur la planète.
Les deux termes partagent cependant les mêmes visions et théories à quelques différences près.
La circularité dans l’industrie de la mode signifie que chaque partie du cycle de vie d’un vêtement est cyclique et qu’il y a le moins de sorties de matières résiduelles. Dans une économie circulaire, les matières premières, les composants et les produits conservent toute leur valeur, les sources d’énergie sont renouvelables et la réflexion est utilisée à chaque étape.
Selon la Fondation Ellen MacArthur : “Une économie circulaire dans la mode crée de meilleurs produits et services pour les clients, contribue à une industrie de la mode résiliente et protège l’environnement. Elle donne la priorité aux droits et à l’équité de toutes les personnes impliquées et créera de nouvelles opportunités de croissance distributives, diverses et inclusives.”
“Si nous voulons vraiment sauver cette magnifique planète, les générations futures de toutes les espèces, y compris nous-mêmes, nos moyens de subsistance et ceux des générations futures, nous devons placer la terre en premier.“C’est ce que conclut Kate Fletcher et Mathilda Tham dans l’Earth Logic Fashion Action Research Plan (2021). Elles proposent comme concept: “la planète avant l’industrie comme une idée radicale dans laquelle la santé et la survie de notre planète Terre sont privilégiées par rapport aux intérêts commerciaux.” L’industrie de la mode doit changer de l’intérieur.
Dans le secteur de la mode, la durabilité et l’économie circulaire sont souvent utilisés dans le greenwashing. Généralement, l’accent est mis sur l’utilisation des matériaux et l’ impact du produit sur l’environnement. Devenir durable ne se résume pas à l’unique réduction des émissions de carbone !
La circularité ne se limite pas à l’utilisation de certains matériaux. L’aspect socio-économique joue un rôle majeur dans la transition vers une économie mondiale circulaire et durable. Les rapports The Great Green Washing Machine (partie 1 et partie 2), écrits par Veronica Bates Kassatly et Dorothee Baumann-Pauly plongent dans l’univers du greenwashing au sein de l’industrie de la mode. Chez COSH ! nous avons lu ces rapports et nous aimerions partager certains points clés avec vous en y ajoutant nos observations et exemples.
Comme indiqué plus haut, les facteurs sociaux sont souvent négligés dans la durabilité. De plus, les pays du Nord ne tiennent souvent pas compte des opinions des populations du Sud. Le rapport The Great Green Washing Machine partie 1 recommande que les impacts socio-économiques de la production de fibres dans les pays producteurs soient évalués et que des cadres réglementaires incluent des salaires décents pour les ouvriers et les ouvrières d’usine, ainsi que pour les agriculteurs et les agricultrices à l’échelle mondiale.
En 2015, l’Assemblée générale des Nations unies a défini 17 Objectifs de développement durable (ODD) interdépendants. Ces objectifs de développement posent un cadre pour 2030 dans le but d’un avenir plus durable pour toutes et tous. Cependant, le rapport The Great Green Washing Machine affirme que le monde de la mode est loin de “donner la priorité aux besoins des pauvres dans le monde. La durabilité semble être devenue un concept élitiste, voire impérialiste, dans lequel les intérêts du Nord mondial façonnent la conversation.”
Souvent, les entreprises de la mode citent certains ODD dans leur communication sans réellement contribuer au réel objectif. Il est important que l’industrie de la mode rende le secteur plus durable pour les humains et la planète.
Toutefois, pour pouvoir mettre en place et maintenir une économie circulaire, nous devons nous défaire du système économique actuel, axé sur la croissance linéaire. Les entreprises qui lancent des “collections durables” ne résoudront pas le problème. Il est essentiel de fabriquer moins de vêtements pour protéger la plante. Le livre “Doughnut Economics: Seven Ways to Think Like a 21st-Century Economist” de Kate Raworth nous donne un aperçu de ce concept.
À l’heure actuelle, le Sud global souffre de la “croissance” prônée par le Nord global alors que celui-ci est responsable de la majeure partie de pollution. À titre d’exemple, Ali Bongo Ondimba, Président du Gabon, a déclaré : “L’Afrique n’a contribué qu’à 3% des émissions mondiales, et pourtant nous sommes le continent qui … paie déjà le plus lourd tribut.”
Dans la théorie de Kate Raworth, les droits de l’humain se trouvent au centre. Actuellement, le système s’appuie sur des personnes réduites en esclave, qui n’ont pas d’autres choix que de travailler dans une usine de vêtements dans de mauvaises conditions de travail.
Un autre problème est que des pressions sont exercées tout au long de la chaîne d’approvisionnement sur les prix et la flexibilité. “Les marques sont sous la pression des besoins des consommateurs et de la concurrence des autres marques”, explique Raworth. Cela crée une nécessité croissante de produire plus vite et moins cher.
Raworth nous appelle également à considérer ce qui nous procure du bien-être. Elle affirme que le shopping n’est pas une source d’épanouissement. Les activités manuelles et les loisirs en extérieur apportent plus de bien mais personne ne fait de la pub pour cela. La recherche de la croissance permanente compromet notre bien-être, dit-elle.
Nous devons également réévaluer notre attachement aux vêtements et comprendre leur vraie valeur. Il est impératif de prendre conscience du coût réel et de la main-d’œuvre. Par exemple, acheter plus cher et de qualité engendre un lien plus fort avec le vêtement qu’on gardera plus longtemps.
En raison des analyses du cycle de vie (ACV) partiellement fausses, il circule aujourd’hui des idées erronées qui se disent écologiques et durables. Cette situation est problématique car de nombreuses organisations, notamment les fournisseurs, les marques et les gouvernements, fondent leurs actions en matière de durabilité sur ces informations erronées.
Un exemple de cette situation est l’utilisation de l’indice de durabilité des matériaux de Higg, ou MSI. Cet outil a été développé par la Sustainable Apparel Coalition (SAC) pour donner à l’industrie une mesure standardisée des impacts environnementaux des différents types de textiles dans la fabrication des vêtements. Il évalue les données suivantes :
Le potentiel de réchauffement planétaire
La pollution par les nutriments dans l’eau (eutrophisation) (pollution de l’eau)
La pénurie d’eau
L’épuisement des combustibles fossiles (utilisation de combustibles fossiles)
La chimie (Utilisation de la chimie)
La SAC et cet indice sont utilisés par Patagonia, ainsi que par d’autres grandes marques de fast fashion et de sport comme Nike, et sont actuellement financés et utilisés par de nombreuses grandes entreprises comme le groupe H&M (H&M, Weekday, Arket, etc. ), C&A, De Bijenkorf, Eileen Fisher, G‑Star, Guess, ASOS, Zalando, Inditex (Zara, Massimo Dutti, Bershka etc.), Mango, M&S, Nike, Adidas, Patagonia, NEXT, Tesco, WE et Zalando, parmi de nombreuses autres grandes marques de détail. Inutile de vous dire que c’est l’organisme des grandes chaînes de magasins et que ces marques basent leur communication dessus. Toutefois, l’indice Higg a récemment fait l’objet de critiques. L’indice est accusé d’avoir dévoilé de fausses informations et d’avoir eu recours à des pratiques de greenwashing.
C’est la raison pour laquelle l’autorité norvégienne de la consommation interdit désormais toutes informations soutenues par l’indice Higg (Source : Apparal Insider) et impose des sanctions à la SAC. L’autorité norvégienne de la consommation affirme également avoir averti H&M. Le New York Times a également publié un article critique sur l’indice Higg, affirmant qu’ ”il favorise fortement les matériaux synthétiques fabriqués à partir de combustibles fossiles face aux matériaux naturels comme le coton, la laine ou le cuir.”
L’indice MSI de Higg est un outil développé par l’industrie textile pour donner à cette dernière une mesure standardisée des impacts environnementaux des différents types de textiles dans la fabrication des vêtements. L’outil est détenu et développé par l’organisation américaine SAC (Sustainable Apparel Coalition), une organisation de l’industrie de l’habillement et de la chaussure.
Tout d’abord, elles ne se concentrent souvent que sur un sujet spécifique de l’éco-responsabilité. Beaucoup d’autres facteurs entrent en jeu lors de la production d’un vêtement mais ils ne le prennent pas en compte. Cela donne donc une idée erronée de ce qui est réellement durable, car ils ne se concentrent que sur une petite partie de la question.
Deuxièmement, il n’existe actuellement aucune étude ACV qui tienne compte des facteurs sociaux, du cycle de vie complet des vêtements et de l’impact sur les populations du Sud global. Il manque donc des informations cruciales dans les ACV. Cela a un impact négatif sur les agriculteurs dont les matériaux sont considérés comme nocifs selon les ACV, informe le rapport The Great Greenwashing Machine, partie 2.
Troisièmement, les ACV ne prennent pas en compte le climat des différentes régions du monde. C’est pourquoi les résultats de ces études ne sont pas applicables à toutes les sortes de fibres textiles, en effet il y a des différences en fonction de leurs sites de production.
Pour rendre le secteur du textile plus circulaire, les gouvernements, les organisations et les entreprises élaborent des réglementations tant au niveau local, national qu’européen.
L’Europe vise à avoir une économie circulaire d’ici 2050 et d’ici “2030, les produits textiles mis sur le marché de l’UE auront une longue durée de vie et seront recyclables, composés de fibres recyclées et exempts de substances dangereuses” (Source : Commission européenne). Pour y parvenir, la Commission européenne propose plusieurs initiatives, comme l’interdiction du greenwashing afin de protéger les droits des consommateurs et les sensibiliser avec des données correctes. De plus, la Commission européenne a également proposé une empreinte environnementale des produits (PEF) pour mesurer la performance environnementale et un passeport numérique européen des produits (DPP) pour accroître la transparence.
Aux Pays-Bas, une REP (responsabilité élargie du producteur) pour le secteur textile sera lancée en 2023. Cela signifie que les producteurs, importateurs et boutiques en ligne de vêtements seront tenus responsables de la collecte, du traitement et du recyclage des textiles mis au rebut.
Le FOD Economie de Belgique effectue également des inspections et peut imposer des sanctions aux marques qui pratiquent le greenwashing sur le marché belge. Il définit 10 façons dont une marque peut être accusée d’écoblanchiment :
1. Un mensonge/une information incorrecte.
2. Des informations non crédibles.
3. Une promesse disproportionnée.
4. Des mots et des termes vagues, imprécis, ambigus, absolus, qui ne sont pas clairement définis dans le message.
5. Des informations insuffisantes ou manquantes.
6. Une image/présentation visuelle trompeuse.
7. Un pseudo-label/logo.
8. La mise en évidence d’une action non pertinente.
9. Une fausse exclusivité.
10. Aucune preuve.
Vous ne voulez pas être accusé.e de greenwashing ? Plus d’informations sur l’initiative du FOD seront expliquées dans un prochain blog sur COSH !, en attendant vous pouvez lire le guide complet du FOD Economie ici.
La création d’une législation est une bonne évolution car la réglementation permet un changement à grande échelle. Les grandes marques n’auront pas d’autre choix que de l’appliquer. Pour apporter un changement significatif, il est donc important que les réglementations ou législations soient basées sur des informations fiables et justes.
Le changement doit venir de tous les acteurs et actrices. En plus des initiatives des gouvernements et des organisations, il devrait également y avoir un changement venant des professionnels de la mode et des consommateurs ! Raworth : “Nous devons retirer les investissements faits dans l’ancien modèle économique et les investir dans une nouvelle économie, régénérative et distributive”. Elle affirme également qu’il est possible d’utiliser des ressources sans jamais en manquer”.
Avec la circularité en tête, chez COSH ! nous nous intéressons fortement à l’origine des matières premières et à la façon dont vous pouvez les réutiliser, les recycler ou les traiter après utilisation. Grâce à l’éco-conception, l’ensemble du cycle de vie du produit est pensé en amont. Pensez du berceau au berceau (et non du berceau à la porte ou du berceau à la tombe) et réfléchissez à comment utiliser au mieux les flux résiduels.
Même si les vêtements en polyester recyclé peuvent sembler circulaires parce qu’ils sont fabriqués à partir de ressources déjà présentes, leur fin de vie doit également être prise en compte lors de l’analyse du cycle de vie du produit.
Exemple : Le polyester recyclé fabriqué à partir de bouteilles PET recyclées n’est pas considéré comme un matériau 100% circulaire chez COSH ! car à l’heure actuelle, il n’y a (presque) pas de recyclage de fibre à fibre du polyester. Une fois que les bouteilles sont transformées en textile, elles ne sont plus recyclables, alors que dans l’industrie des boissons, il pourrait être utilisé à nouveau (Source : The Great Green Washing Machine 2021).
L’entrée dans la phase de fin de vie d’un vêtement doit d’abord être repoussée le plus longtemps possible (par exemple en améliorant la qualité et en proposant des services de réparation). L’article peut ensuite être prolongé, réutilisé, l’upcyclé, recyclé et en dernier recours il pourra être incinéré ou composté. En concevant du berceau au berceau, nous évitons d’énormes désastres écologiques.
C’est une affaire très complexe. La mode éco-responsable, éthique et durable est encore en construction et les recherches sont en cours. Après tout, le changement ne peut pas se produire du jour au lendemain. Mais chaque pas dans la bonne direction est un pas dans la bonne direction.
Les initiatives sont loin d’être parfaites mais les manques et les fausses promesses doivent être mises en évidence. Les promesses pour l’avenir n’ont aucun sens si elles ne sont pas accompagnées d’un plan d’action détaillé et d’un système de suivi”, déclare Niki de Schryver, fondatrice de COSH ! Conscious Shopping Made Easy.
Pour détecter l’écoblanchiment, l’interconnexion entre différentes thématiques, la création d’un modèle commercial de “slow fashion” et l’honnêteté dans le secteur sont essentielles. Soyez prudent.e et critique à l’égard des déclarations environnementales et éthiques que vous présente un fournisseur, une organisation, une marque ou un magasin. Soyez curieux et curieuse et essayez de voir si les “petites” initiatives vertes ne cachent pas en réalité un modèle destructeur pour la planète et l’humain. La marque est- elle vraiment éco-responsable? Si oui en quoi?
Chez COSH !, notre objectif est de mettre en avant les détaillants éco-responsables et les marques qui sont véritablement écologiques et éthiques, afin que les consommateurs et les consommatrices puissent les découvrir et faire des achats plus conscients.
De cette façon, nous voulons sensibiliser et participer à la transition vers une économie circulaire et locale prospère qui peut générer un impact plus positif sur le Sud global.
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