12 décembre 2023
La réglementation française en matière d’emballage : Un guide pour une mise en conformité rapide
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Au début de l’année 2022, deux femmes courageuses de l’État de New York, la sénatrice Alessandra Biaggi et Anna R. Kelles, ont décidé d’élaborer un projet audacieux. Ayant passé la dernière décennie à observer les effets croissants du changement climatique sur la planète et l’impact de la mode sur ces chiffres, elles ont décidé de prendre les choses en main. C’est ainsi qu’est né le New York Fashion Act (NYFA).
Cette proposition parrainée par les deux politiciennes vise à résoudre certains des problèmes auxquels l’industrie de la mode fait face depuis des décennies. S’il est adopté, ce projet de loi obligera tous les détaillants opérant dans l’État et générant un chiffre d’affaires global de plus de 100 millions de dollars à cartographier au moins 50 % de leur chaîne d’approvisionnement. Ils devront ensuite fixer des objectifs scientifiques pour réduire leur impact environnemental. Cette mesure est importante car la mode est connue pour son manque de transparence. Les détaillants devront effectuer un contrôle préalable afin d’identifier les partenaires qui possèdent un impact environnemental élevé. Ils doivent être capables de lister les produits chimiques utilisés, les déchets produits et calculer les émissions de carbone. Ils seront également tenus de divulguer la quantité de matériaux recyclés utilisés et de faire vérifier ces informations par une tierce partie.
Le NYFA s’appuie sur les nombreuses réglementations qui l’ont précédée, mais elle vise à aller plus loin que ses prédécesseurs en tentant de combiner plusieurs questions clés différentes et de les aborder dans le cadre d’un seul projet de loi. Les exemples de sujets couverts vont des objectifs environnementaux aux salaires des travailleurs et des travailleuses. En cas de non-respect, les marques se verraient infliger une amende de 2 % de leur revenu annuel. L’application de la loi serait confiée au procureur de l’État, qui publierait ensuite une liste des marques non conformes. Cette proposition a fait l’objet d’un certain nombre d’éloges en raison de son impact potentiel à grande échelle.
Malgré ces avancées, le NYFA n’a pas été à l’abri des critiques. Plusieurs personnes ont fait part de leurs inquiétudes quant aux lacunes du projet de loi et concernant son potentiel impact négatif sur l’environnement. Nous allons examiner les différentes perspectives afin de déconstruire le NYFA et comprendre ses effets positifs ou négatifs sur l’industrie.
La ville de New York est souvent considérée comme l’une des capitales de la mode avec Paris, Milan et Londres. L’issue de ce projet de loi pourrait donc avoir des répercussions dans le monde entier. De plus, la structure du projet de loi vise toutes les entreprises ayant des activités commerciales dans l’État. Il viserait des géants basés aux États-Unis tels que GAP et Tapestry, mais aussi les grands noms internationaux de la mode rapide comme Shein et Inditex. Il s’agit d’un détail important, car des marques comme Shein seraient également tenues de se conformer à la loi même si elles n’ont pas de magasin physique sur le territoire.
Maxine Bédat, directrice du New Standard Institute, l’une des principales rédactrices du projet de loi, affirme qu’elle a déjà commencé à recevoir des messages d’autres États des États-Unis qui seraient potentiellement intéressés par ce projet de loi. Cela montre l’importance de ce projet de loi. L’intérêt pourrait même s’étendre au niveau international.
Le projet devrait être bien ficelé car les failles présentes dans celui-ci pourraient amener les marques à se tourner vers d’autres projets de loi internationaux moins contraignants et plus dangereux pour la planète et les travailleurs et travailleuses.
Comme mentionné précédemment, le NYFA exigerait que les marques générant au moins 100 millions de dollars de revenus divulguent publiquement au moins 50 % de leurs chaînes d’approvisionnement et de leurs impacts tels que les émissions et la production de produits chimiques. En termes de protection des travailleurs, les entreprises seraient tenues de divulguer le salaire médian de leurs employés ainsi que les politiques mises en place pour garantir l’application de pratiques commerciales responsables. Tout manquement à cette obligation entraînera des amendes. Les amendes perçues seront ensuite rassemblées dans un fonds destiné à financer des projets de justice climatique à New York.
Il s’agit d’un bon pas en avant puisque la NYFA tente de regrouper des éléments importants qui existaient dans des projet de loi unique. Cependant, lorsqu’il est examiné de plus près, de nombreux problèmes font surface.
Le premier problème flagrant du NYFA est son manque d’applicabilité apparente. Bien que le projet de loi demande aux marques de divulguer 50 % de leur chaîne d’approvisionnement, rien ne précise exactement quels sont les 50 % qu’elles doivent divulguer. Elles sont actuellement encouragées à “se concentrer sur les domaines présentant les plus grands risques sociaux et environnementaux”. Les entreprises pourront choisir les aspects de leur activité qu’elles souhaitent exposer. De la récolte des matières premières à l’emballage. C’est un problème, car cela les conduira probablement à divulguer les aspects qui leur donnent la meilleure image. C’est une chose que toute personne dotée de bon sens ferait logiquement. Les marques devraient se concentrer sur les domaines qui ont le plus besoin d’être améliorés. Les législateurs devraient repréciser cette partie pour plus de cohérence. Si tout ce que nous devions faire c’est demander aux marques de réduire leur impact nous n’aurions pas besoin de cette loi.
“Après avoir demandé aux marques de cartographier et divulguer publiquement certaines parties de leur chaîne d’approvisionnement, le NYFA ne prévoit pas de mesures spécifiques après cela. L’État de New York n’a pas les moyens d’obliger les marques à faire des changements pour réduire leur impact. Le projet de loi vise à remédier au manque de transparence de l’industrie et exigerait simplement des marques qu’elles rendent des comptes de manière plus publique. Cela ne signifie pas que les problèmes soulignés seront résolus. Bien qu’il s’agisse d’un excellent premier pas, le NYFA doit être plus ambitieux et agressif afin d’annoncer un véritable changement pour l’industrie de la mode. “Comme pour toutes les réglementations et normes bien intentionnées, le diable est dans les détails, et dans l’application”. Dit Céline Semaan, fondatrice de la Fondation Slow Factory.
Le NYFA n’aborde pas non plus une autre question essentielle, celle de forcer les marques à être responsables des dommages qu’elles causent. Le projet de loi ne contient actuellement aucune clause qui rendrait les marques responsables de la réparation des dommages environnementaux qu’elles ont causés pendant la production. Le projet de loi NYFA n’oblige actuellement les marques qu’à divulguer des informations sur leur chaîne d’approvisionnement, mais pas nécessairement à améliorer leur durabilité. Par conséquent, il est surtout axé sur la communication et non l’action.
Après avoir divulgué ces informations, ces marques seront invitées à fixer des “objectifs scientifiques” pour réduire leur impact environnemental. Cependant, il n’est pas clair si et comment cela sera contrôlé. En l’état actuel des choses, le projet de loi n’oblige pas les marques à agir en fonction de ces objectifs ou à tenter de les atteindre, ce qui signifie qu’il n’a pas de force exécutoire. Juste un appel à une plus grande transparence. Human Rights Watch, Fashion Revolution et War on Want trouvent ce projet de loi très faible. D’autres mesures actuellement en place en Allemagne, en France et dans d’autres pays sont plus contraignantes. Lisez notre article sur le greenwashing et l’industrie de la mode.
Ces organisations ont appelé l’État à prendre des “mesures fortes”.
Les amendes accumulées à la suite du non-respect de la politique de divulgation seront versées à un fonds destiné à financer des projets de justice environnementale dans l’État. C’est une bonne chose, mais cela n’aide pas les communautés qui ont été lésées au cours du processus.
“Imposer aux marques une amende correspondant à 2 % de leur chiffre d’affaires, n’est pas suffisant car les amendes coûtent moins cher comparé aux actions qu’il faudrait apporter afin d’améliorer la chaîne d’approvisionnement.” Niki de Schryver, Fondatrice de COSH.
Si le projet de loi NYFA part d’un bon sentiment et d’un désir de changement au sein de l’industrie de la mode, il a le potentiel d’encourager les marques à adopter de mauvaises habitudes. Dans le court-métrage “The Monster in Our Closet”, Maxine Bédat (en partenariat avec Patagonia) évoque l’impact de l’industrie dans son ensemble et l’importance de trouver des alternatives à notre approche actuelle de la consommation. Par sa nature, le projet de loi encourage les marques à opter pour des matériaux recyclés lors du choix des tissus pour leurs vêtements. Le polyester recyclé étant l’un de ces matériaux. Pendant le court-métrage, Bédat et plusieurs membres de l’équipe de conception de Patagonia ont fait l’éloge de la marque pour avoir développé des moyens de sortir le polyester des communautés défavorisées. Et bien que ce soit une excellente chose, ils ne tiennent pas compte du fait que le polyester recyclé libère davantage de microplastiques dans la nature, dont certains peuvent se retrouver dans notre corps. Selon Niki de Schryver, fondatrice de COSH ! “En plus de créer une demande d’attraction sur les bouteilles en PET, ils donnent à l’industrie du plastique une excuse pour fabriquer des plastiques à usage unique et les vendre dans des pays où les systèmes de recyclage n’existent pratiquement pas.” Vous pouvez en savoir plus à ce sujet ici. Il s’agit d’une solution de fortune temporaire alors que l’industrie devrait se concentrer sur l’utilisation de matériaux renouvelables, de préférence biodégradables, qui ne contribueront pas à la pollution de l’environnement et ne se décomposeront jamais.
De plus, pour obtenir de meilleures performances, les marques devront mener des recherches sur les matériaux et les productions durables afin de créer des vêtements de meilleure qualité et ayant un impact moindre sur l’environnement. Le problème est qu’une grande partie des données primaires utilisées pour la recherche sur la durabilité sont erronées et peu fiables. L’utilisation de ces indices pourrait finir par propager des informations incorrectes et aggraver le résultat. L’indice de durabilité des matériaux (MSI) de Higg, l’un des plus populaires dans le secteur, est un exemple de ce phénomène, mais sa fiabilité a récemment été mise en doute. Il a même été jugé inapte à être utilisé en Norvège par l’Agence norvégienne de la consommation, qui craignait qu’il ne conduise à la diffusion de fausses informations. Ces sources de recherche primaires défectueuses doivent être traitées correctement avant qu’un nombre important de marques ne soient forcées de les utiliser et ne finissent par aggraver les problèmes de l’industrie. Pour ce faire, il convient de mener des recherches scientifiques rigoureuses et précises et de recueillir des données auprès de scientifiques et d’experts en environnement.
Le manque de diversité dans la salle de rédaction est un autre problème flagrant du projet de loi dans sa forme actuelle. Les personnes de couleur (Black Indegenous People Of Colour, BIPOC) sont touchées de manière disproportionnée par le changement climatique et sont régulièrement exploitées pour créer des vêtements de mode. Cependant, elles étaient à peine représentées lors de la rédaction initiale du projet de loi. Il s’agit d’une question importante car, sans une représentation appropriée à ce stade critique, le NYFA ne parviendra pas à traiter efficacement les questions qui préoccupent le plus ces groupes.
Les travailleurs de l’habillement, par exemple, sont l’un des rouages les plus importants de l’industrie de la mode, mais sont souvent négligés lorsqu’il s’agit de lois visant l’industrie. Ils sont aussi importants que n’importe quel autre acteur du secteur et leur voix mérite d’être entendue. Les inviter à participer au processus de rédaction permettrait d’apporter de nouvelles perspectives tout en veillant à ce que les principales préoccupations de cette communauté soient traitées de manière appropriée et efficace.
Une augmentation de la diversité pourrait également renforcer le projet de loi. Le fait d’inviter des voix et des points de vue différents à exprimer leurs opinions pourrait signifier que davantage de défauts de la loi pourraient être signalés avant son adoption. Cela pourrait réduire le nombre de failles potentielles dont les marques pourront profiter à l’avenir. Et au bout du compte, ce sont les personnes présentes dans la salle où est rédigé le projet de loi qui détermineront à qui ce projet pourra servir. Dans le cas de la mode, les acteurs les plus vulnérables, qui sont souvent des travailleurs de couleur, méritent un siège à la table si le projet de loi a l’intention de s’attaquer efficacement au problème de ce groupe.
Le New York Fashion Act est un projet extrêmement ambitieux qui a le potentiel de changer le visage de l’industrie de la mode et d’apporter une nouvelle approche pour faire face au changement climatique. De nombreux professionnels du secteur conviennent également qu’un tel projet de loi était désespérément nécessaire. Mais pour s’assurer qu’il soit aussi bénéfique que possible pour l’industrie, quelques problèmes devront encore être résolus.
Certains experts affirment que la loi n’est pas aussi ambitieuse qu’elle pourrait l’être, car elle se concentre sur le renforcement des normes existantes dans le secteur au lieu d’en établir de nouvelles. Bien que bénéfique, l’inclusion du fonds pour les projets de justice climatique peut également être un peu problématique. Contribuer au financement de ce type de projets est une bonne chose et devrait être encouragé, mais comment aident-ils les communautés qui ont été exploitées en premier lieu ?
Le fait de répertorier publiquement les marques non conformes et de leur faire honte n’empêchera pas les ménages les plus pauvres et les plus vulnérables d’utiliser des produits qui sont toujours fabriqués dans des conditions d’esclavage ou de pollution. Niki de Schryver
Le projet de loi est encore en cours d’élaboration, mais il sera intéressant d’observer qui contribuera au processus. Espérons que davantage de communautés BIPOC et de travailleurs de l’habillement auront l’occasion d’exprimer leurs préoccupations et leurs besoins.
Selon COSH : cela pourrait permettre plus de greenwashing car cela permet aux marques de ne mettre en avant que les 50% qui sont respectables. Elles peuvent garder le silence sur le reste. Beaucoup d’espoirs pour l’avenir reposent sur cette législation et c’est bien qu’elle soit sur la table pour le moment. Mais avant de trop se réjouir, il est important que le projet de loi soit d’abord correctement renforcé et parvienne à être adopté.
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