7 décembre 2023
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Mai 2021 marquera le triste anniversaire du meurtre de George Floyd. Cet événement avait suscité des manifestations dans le monde entier contre les violences policières et le racisme systémique qui gangrène nos sociétés. Plus que jamais, les personnes noires ont eu le besoin de scander haut et fort « Black lives matter ».
Vous avez sans doute remarqué que ces derniers des mannequins dites racisé.e.s sont présentes sur les campagnes de publicitaires et les couvertures de magazines. Inutile de vous faire une liste, toutes les marques l’ont fait, du luxe au fast fashion. Malheureusement, c’est le meurtre de l’afro-américain George Floyd qui a permis cette prise de conscience. Pourtant, le racisme systémique qui a été dénoncé en 2020 sévit depuis plusieurs siècles dans l’éducation, la santé, le logement, le recrutement et bien entendu dans le monde de la mode. Cet engouement marque-t-il le début d’un changement profond ? Où est ce du « woke washing », un écran de fumée placé pour calmer les tensions et noyer la problématique du racisme systémique?
Pouvez-vous citer trois mannequins noir.e.s ? (à part Naomi Campbell, bien sûr). Trois mannequins asiatiques? Toujours pas! Des mannequins du Moyen-Orient? Le manque de considération pour les personnes non-blanches au sein de l’industrie de la mode est flagrant et ne date pas d’hier. Pourtant de nombreuses tendances et idées sont issues de la communauté noire. L’histoire de la mode est jonchée de collections et de visuels s’inspirant du Sud Global. La mort de George Floyd a mis en exergue la non inclusion et le manque de diversité dans le monde de la mode. Durant l’été 2021, toutes les marques de luxe ou de fast fashion ont intégré dans leurs campagnes publicitaires des mannequins noir.e.s. Il a fallu que les réseaux sociaux et le monde entier s’indignent pour que l’industrie se réveille. La première réaction serait de se réjouir de cet engouement mais ce changement se fera t‑il en profondeur ou restera t‑il en couverture des magazines? Le racisme structurel a tué George Floyd. Ce racisme était présent avant sa mort et il reste présent aujourd’hui. Être noir.e n’est pas une tendance ou un accessoire de la saison 2020 – 2021. C’est un combat constant.
Le fait d’utiliser des mannequins de non-blancs pour redorer son blason ne date pas d’hier. Très récemment les marques de la fast fashion ont utilisé ce procédé afin de faire oublier aux consommateurs que leurs pratiques étaient et sont néfastes pour l’environnement et les Droits Humains. C’est la pratique du « wokewhashing ». Le wokewhasing désigne « pour une entreprise, le fait de communiquer largement sur un éveil de sa conscience (écologique, d’inclusivité raciale, de justice sociale etc). Ce terme est péjoratif car il témoigne d’une stratégie marketing, plus que d’une conviction profonde accompagnée d’actes tangibles de transformation de ses pratiques ».
Avant de se faire sentir dans les pages des magazines, le manque de diversité est déjà présent au sein des entreprises. « Aucun effort n’est fait pour rendre accessibles les hautes fonctions et les prises de décision à ces mêmes citoyen·nes non blancs». Cette diversité de façade et le manque d’inclusion au sein des structures avait été reproché au styliste français Jaquemus. De nombreuses campagnes publicitaires ou couvertures de magazines à caractère raciste auraient pu être évitées si une personne de noire avait été présente lors du processus décisionnel de la campagne. Le magazine Elle allemand avait intitulé un numéro « Back to Black ». H&M avait fait poser un petit garçon noir dans un sweat-shirt avec inscrit “Coolest monkey in the jungle”(le singe le plus cool de la jungle). Aujourd’hui, ce sont les réseaux sociaux qui interpellent les marques et sensibilisent les consommateurs sur ces sujets. L’instagram Diet_Prada recense les scandales et n’hésite pas à interpeller les marques directement. Les consommateurs y sont de plus en plus sensibles.
Le choix de la diversité ne doit pas masquer la vraie problématique qui est la suppression du racisme systémique.
Un enfant a besoin de modèles pour construire son identité. Grandir dans une société qui met en avant qu’un seul type de physique peut avoir des effets négatifs sur l’estime de soi. Un enfant non-blanc doit pouvoir s’identifier et s’imaginer une place dans la société. Le Lexique du racisme, Labelle (2006) “classe la notion de diversité dans la catégorie des mesures de lutte contre le racisme et la discrimination, aux côtés d’instruments admiratifs tels que l’équité en emploi ou l’action positive”. À travers son Instagram Diversity Rules, Janice Deul, une activiste de la mode originaire des Pays-Bas, tente d’agir sur ce manque de représentation: «lorsque je propose aux agences des mannequins noires, elles me répondent: « On en a déjà une ».
À l’aide de ses articles, ses livres, ses ateliers, ses apparitions dans les médias et ses nombreux événements, elle milite pour que l’industrie de la mode soit plus inclusive. Elle travaille avec des personnes non-blanches. De la journaliste, au styliste en passant par la photographe: “La mode devrait représenter et servir tout le monde. Pour moi, c’est un outil parfait pour rendre le monde plus beau, meilleur et plus inclusif.”
“Durant des décennies, nous avons vu des styles et des looks naître au sein de la communauté noire puis être plagiés, pour devenir soudainement à la mode”, explique Janice. “Ce phénomène est appelé appropriation culturelle et se définit comme l’appropriation des pratiques créatives ou artistiques d’un groupe ou d’une culture. Ce terme est généralement utilisé pour décrire l’appropriation d’une culture marginalisée par une culture dominante. Cette appropriation s’accompagne souvent d’un manque de reconnaissance.
Janice aborde ce sujet depuis plusieurs années: “C’est un sujet difficile, mais nous devons absolument en parler. Je suis co-conservatrice de l’exposition “Voices of fashion” au Centraal Museum Utrecht, qui montre clairement que la communauté noire inspire le monde de la mode. ” C’est ce qui s’est passé lorsque Kim Kardashian s’est fait photographier avec des nattes collées. Une coiffure arborée depuis plusieurs siècles par des personnes noires mais jugée comme « ghetto » ou non professionnelle sur celles-ci.
Selon Janice: “ L’appropriation culturelle semble être une caractéristique essentielle de la mode. Les grandes marques s’en rendent constamment coupables”. Récemment, Gucci, accusé d’appropriation culturelle, s’est fait huer pour ses turbans d’inspiration sikh portés par des mannequins blancs, puis pour ses pulls-cagoules qui donnent l’allure d’un visage noir aux épaisses lèvres rouges.
Le but étant de ne pas tomber dans l’exotisation ou le tokenisme qui désigne le fait de choisir une personne non-blanche dans le but de pouvoir se vanter d’être inclusif. La mode doit inclure tout le monde sans différence de « race », de genre, d’âge ou de taille. La mode est aussi un outil politique. La mode définit ce qui est beau. Selon Janice, ce qui se trouve sur une couverture de magazine se retrouve au cinéma, à la télé et dans les histoires pour enfant, etc. Nous sommes toutes et tous des activistes. Nous devrions toutes et tous militer pour plus de diversité et d’inclusion dans le monde de la mode et ailleurs. La mode devrait refléter notre société et non l’inverse.
“L’ADN de l’industrie doit changer et les décideurs doivent y penser différemment”. Les marques qui n’ont pas d’employé.e.s noir.es, arabes ou asiatiques devraient se remettre en question. La société est diverse et les marques doivent refléter cette richesse. L’inclusion doit être au cœur des marques et ce à tous les niveaux. Janice est sur le point de sortir un guide destiné au monde de la mode. En attendant, les marques devraient remettre en question leur privilège blanc, communiquer humblement sur le racisme systémique, et s’assurer que toute la société est représentée dans l’entreprise, dans les magasins et dans les campagnes publicitaires en ouvrant tout simplement la porte à tout le monde.
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