30 janvier 2024
Lever le voile sur la controverse des diamants cultivés en laboratoire
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- Fabrication
Achèteriez-vous cette jolie robe rouge si vous appreniez que sa teinture se déverse dans une rivière en Asie? Saviez-vous que votre jean peut contenir des substances cancérigènes? Malheureusement, nous avons toutes et tous dans notre placard un vêtement qui est concerné?
Vous regardez peut-être les étiquettes des pulls dans les magasins pour voir si la matière utilisée pour la fabrication est éco-responsable or, concernant sa teinture, il n’y a aucune information. Grâce à cet article, vous en saurez plus sur les vêtements colorés.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), environ 20 % de la pollution industrielle de l’eau est due à la teinture des textiles. Cela comprend les agents de blanchiment, divers types de colorants nocifs et les produits utilisés pour la finition. Dans les pays où sont fabriqués la plupart des vêtements destinés aux pays du Nord comme le Bangladesh, la réglementation et la surveillance du déversement des eaux usées sont faibles. Les substances nocives finissent souvent dans les rivières ou les cours d’eau proches. Il existe des filtres pour éviter cela, les usines en sont parfois équipées, mais ils ne sont pas toujours utilisés. Leur fonctionnement est coûteux et cela signifie moins de profits pour les usines (qui sont déjà très peu équipées par les géants de la mode d’aujourd’hui).
La vie aquatique, les plantes et les sols dans ces zones sont fortement endommagés et cela impacte également les animaux vivant sur les terres environnantes. Cela a de grandes conséquences. Dans un article publié par Forbes, la Banque mondiale qualifie l’industrie de l’habillement et du textile comme étant la principale contributrice de la pollution de l’eau: “En 2015, le secteur a utilisé 79 milliards de mètres cubes d’eau et l’ONU indique qu’à l’échelle mondiale, 80 à 90 % des eaux usées sont rejetées dans l’environnement sans traitement.”
L’industrie textile n’a pas toujours utilisé autant de substances toxiques. Prenez par exemple les incontournables blue-jeans. Lorsque les jeans ont été introduits, ils étaient fabriqués aux États-Unis. Ils étaient alors teints avec de l’indigo naturel provenant de plantes cultivées aux États-Unis. Cette situation a changé avec l’introduction de colorants chimiques bon marché imitant parfaitement la couleur et donnant un résultat plus uniforme. De ce fait, en 1914 l’industrie de l’indigo naturel avait pratiquement disparu et la production a été alors déplacée en Asie, car les produits chimiques étaient interdits aux États-Unis et en Europe. De plus, en raison de leur forte popularité, la fabrication devait désormais être rapide et se faire en grand nombre.
Les pays asiatiques tels que la Chine et l’Indonésie ne sont pas les seuls à posséder des rivières extrêmement polluées du fait de la fabrication de vêtements destinés au monde occidental. L’Afrique est désormais confrontée à ce problème.
Selon l’agence Reuters, un rapport de Water Witness International (WWI) a mis en lumière la pollution de rivières situées au Lesotho, en Afrique australe et en Tanzanie. Le but est de sensibiliser le public aux risques créés par les marques mondiales qui fabriquent de plus en plus de vêtements dans des usines de confection. Les grandes chaînes de distribution s’installent dans le sud de l’Afrique en raison d’une main-d’œuvre moins chère et pour les avantages fiscaux.
Au Lesotho, des chercheurs ont découvert une rivière visiblement polluée par la teinture bleue des jeans. Le rapport indique également que certains tronçons de la rivière Msimbazi, près d’une usine textile à proximité de Dar es Salaam, en Tanzanie, ont un pH de 12. Cela signifie que l’eau est très basique/alcaline. Selon les normes relatives à la qualité des grandes rivières, la valeur du pH peut varier entre 6,5 et 8,5 alors que dans cette région les communautés locales utilisent la rivière pour se laver et irriguer leurs plantations.
Pour les nombreuses personnes qui vivent autour de ces rivières et pour l’environnement de cette zone, les conséquences sont graves. L’eau potable pour la population locale est polluée et les gens n’ont d’autre choix que de la boire. De plus, les personnes qui travaillent dans les usines sont exposées aux substances nocives. En effet, en trempant leurs bras dans les bains de teintures toxiques et en respirant les produits chimiques présents dans l’air, elles et ils mettent en danger leur santé.
Impossible de nier le lien qui existe entre les teintures de l’industrie, la mode et la pollution de l’eau. La Fondation Greenpeace a lancé en 2011 la campagne “Detox” afin d’attirer l’attention sur ce problème, appelant l’industrie textile à agir sur ce sujet. La fondation a invité l’industrie à prendre position sur l’impact de la production de vêtements sur les humains et l’environnement. Greenpeace affirme dans cette campagne que l’interdiction des produits chimiques toxiques n’est qu’un début. Les Nations unies et l’Union européenne (UE) prêtent également attention à la pollution causée par l’industrie de la mode.
La Banque mondiale recense 72 substances toxiques utilisées exclusivement pour la teinture des textiles. Certains produits chimiques utilisés sont interdits dans l’Union européenne, mais sont largement utilisés en Chine. Cela pose problème car de là, ils peuvent voyager dans le monde entier. Toutes les teintures ne sont pas aussi nocives, mais il existe des substances non biodégradables dans la nature et qui ne pourront être éliminées par la suite.
Étant donné que tous les colorants contenus dans les bains de teinture ne se fixent pas automatiquement sur les fibres textiles, certains produits chimiques se retrouvent dans l’environnement car présents dans les eaux usées. Malheureusement, il n’est pas toujours possible de voir quelles usines rejettent des eaux usées non traitées car le rejet se fait par des canalisations souterraines et celles-ci sont partagées.
Une fois dans les cours d’eau, les substances toxiques, notamment les colorants réactifs, les colorants azoïques synthétiques et les autres produits chimiques s’accumulent au point de ne plus laisser passer la lumière. Cela empêche la photosynthèse et réduit le taux d’oxygène dans l’eau. L’animal situé au plus haut de la chaîne alimentaire est dépendant de la vie aquatique de la rivière. De plus, l’eau polluée en aval affecte l’eau potable destinée aux humains, aux animaux, à l’agriculture, à la pêche, au tourisme et au secteur des loisirs.
Le tableau ci-dessous met en évidence les produits chimiques les plus nocifs et les plus fréquemment utilisés par l’industrie de l’habillement avec leurs impacts sur le corps. Les composés organiques de l’étain, les produits chimiques perfluorés, les chlorobenzènes et les solvants chlorés ne sont pas des colorants mais des agents de finition tels que les revêtements et les solvants utilisés pour fabriquer les fibres textiles. Nous ne les traiterons pas en détail dans cet article.
Les colorants synthétiques sont généralement fabriqués à partir de produits dérivés du pétrole et de minéraux. Les colorants azoïques (colorants AZO) forment le plus grand groupe de colorants aromatiques synthétiques utilisés dans l’industrie textile. 70 % des colorants produits chaque année sont des colorants azoïques. Les colorants azoïques sont utilisés pour teindre les vêtements dans des couleurs vives comme le rouge vif ou le jaune. Les colorants azoïques étant très solubles dans l’eau, votre peau peut également les absorber ce qui peut entraîner des irritations de la peau et des yeux.
Les colorants azoïques se composent d’un ou plusieurs groupes azoïques (-N=N-) ainsi que de groupes sulfonés (SO3-), mais certaines variantes de ces composés azoïques posent problème pour notre santé. Ils peuvent augmenter le risque de cancer et sont toxiques si bien que l’Union européenne, la Chine, le Japon, l’Inde et le Vietnam ont interdit leur utilisation et leur importation. De plus, ils ne sont pas biodégradables. Néanmoins, les usines et les marques de vêtements continuent d’utiliser les colorants azoïques parce qu’ils sont plus efficaces à basse température que les colorants non azoïques. Leur utilisation est donc plus facile et ils offrent également une large gamme de couleurs. Les colorations sont plus brillantes et la couleur ne s’estompent pas au premier lavage.
Dans certaines teintures, on retrouve des métaux lourds tels que le plomb (Pb), le chrome (Cr), le cadmium (Cd), le cuivre (Cu) et le nickel (Ni). Ces métaux ont des effets graves sur la santé des humains et des animaux qui vivent à proximité des teintureries. Les couleurs telles que le bleu, le vert et le turquoise sont difficiles à créer sans l’utilisation de cuivre. En général, la règle est la suivante : plus la couleur est foncée, plus la quantité de colorant perdue dans les eaux usées est importante. Ces métaux peuvent s’accumuler dans l’organisme et provoquer divers types de cancer, des maladies aiguës et des problèmes de peau. De plus, les cultures sont irriguées avec l’eau polluée et c’est pourquoi on retrouve des colorants textiles dans les fruits et légumes cultivés près des usines.
Au sein de l’Union européenne, nous avons le règlement REACH (Registration, Evaluation and Authorisation of Chemicals), qui protège les Européens contre les produits chimiques dangereux. Il définit ce que les entreprises et les gouvernements doivent respecter lors de la fabrication et la commercialisation de substances chimiques. REACH est l’acronyme d’: Enregistrement, évaluation, autorisation et restriction des substances chimiques en français. Toutes les substances dont la production ou l’importation atteint au moins 1 000 kilogrammes par an doivent être enregistrées. C’est une très bonne initiative de la part de l’Union européenne car les produits vendus au sein de l’UE ne peuvent contenir plus d’une certaine quantité de substances chimiques (comme le chrome IV). Mais comment les vêtements que nous achetons dans les grandes surfaces sont-ils fabriqués en dehors de l’Europe? Il n’est pas toujours facile de vérifier la teneur en produits chimiques.
Lorsque vous achetez un vêtement en fibres textiles synthétiques, comme le polyester ou le nylon, il est fort probable qu’il ait été teint avec des colorants synthétiques et/ou nocifs. En effet, les fibres textiles naturelles absorbent mieux l’humidité, ce qui permet aux colorants réactifs de se fixer aux fibres lorsqu’ils sont utilisés. Le nylon semble pouvoir bien absorber les colorants en raison de sa structure. Quant au polyester, il est hydrophobe et manque de propriétés ioniques, ce qui rend la bonne fixation difficile.
Les colorants naturels tels que l’indigo ne fonctionnent que sur les fibres textiles naturelles, mais des fixateurs sont nécessaires pour une bonne fixation, ce qui peut rendre le vêtement nocif.
Bien qu’il faille davantage de produits chimiques pour teindre les tissus synthétiques, la teinture du coton est plus susceptible de provoquer des pertes de colorants (25 à 50 % selon le colorant) que la teinture du polyester (15 %). Tous les colorants ne se fixent pas directement au coton. Pour le polyester, on utilise des colorants de dispersion (une version des colorants AZO), ils sont plus efficaces mais plus dommageables pour l’environnement que les colorants pour coton.
Vous souhaitez savoir comment les vêtements peuvent être teints de manière écologique? Comment s’assurer en tant que consommateur que notre garde-robe n’a pas entraîné une pollution de l’eau? Lisez l’article suivant sur COSH! Est-il possible de teindre des vêtements avec autre chose que des produits chimiques?
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