12 décembre 2023
La réglementation française en matière d’emballage : Un guide pour une mise en conformité rapide
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Le 23 février 2022, la Commission européenne a enfin proposé une directive sur le devoir de vigilance des entreprises. Le but: réguler les activités nocives en direction des travailleuses, des travailleurs, de la population et de l’environnement qui sont présentes sur leurs chaînes d’approvisionnement.
Cette directive est importante et nécessaire car aujourd’hui de nombreux risques se trouvent sur les chaînes de production d’entreprises basées en Europe. Cela va des risques d’incendie, d’intoxication à l’esclavage moderne et les abus sexuels. Il est donc urgent que ces entreprises soient tenues pour responsables, qu’ils cessent de déléguer leur responsabilité aux sous traitants et que les personnes affectées puissent se retourner vers les responsables et obtenir des réparations.
En attendant l’adoption de cette directive, à l’aide d’Eurofins, nous avons pu identifier certains risques et proposer 7 outils qui permettent aux entreprises d’identifier et gérer les risques présents sur leurs chaînes de production.
En 2016, l’Organisation internationale du Travail (OIT) a indiqué que 40,3 millions de personnes dans le monde se retrouvaient dans une forme quelconque de travail forcé. C’est 5 personnes sur 1000 qui sont touchées par ce fléau . 1 victime sur 4 est un enfant et 71 % d’entre elles sont des femmes ou des jeunes filles. Les risques présents sur une chaîne d’approvisionnement peuvent résulter de facteurs externes, comme un conflit politique ou une catastrophe naturelle, mais certains risques sont dus à la mauvaise gestion des usines et au manque de volonté des entreprises.
Qu’en est-il de l’industrie de la mode et du risque d’esclavage moderne?
Pour répondre à ces questions Athiya Khatri, experte en audit de conformité et Randy Rankin, directeur du développement de la clientèle mondiale chez Eurofins, nous ont partagé leurs solutions lors de deux webinaires. Eurofins est un laboratoire de recherches qui fournit des services d’analyses et d’accompagnement aux industries pharmaceutique, agro-alimentaire, de l’environnement, des agro-sciences et des biens de consommation ainsi qu’aux gouvernements afin de faciliter la protection de l’humain et l’environnement. Les webinaires étaient intitulés : “Combating modern slavery in European supply chains” soit “Lutter contre l’esclavage moderne dans les chaînes d’approvisionnement européennes” et “ Managing Environmental, Social, and Governance(ESG)-related regulatory risks in supply chains” qui signifie: “Gestion des risques réglementaires liés à l’environnement, au social et à la gouvernance (ESG) dans les chaînes d’approvisionnement”.
Les vêtements que nous portons sont probablement fabriqués par des esclaves modernes. Mais qu’est ce que l’esclagave moderne?
Selon la Convention (n° 29) sur le travail forcé de 1930, l’esclavage moderne est ” tout travail ou service exigé d’un individu sous la menace d’une peine quelconque et pour lequel ledit individu ne s’est pas offert de plein gré”. C’est donc l’obligation de travailler contre son gré.
L’esclavage moderne se présente sous de nombreuses formes :
Le travail des enfants
La servitude
La contrainte
La traite des êtres humains
L’esclavage
Le mariage forcé
La servitude pour dettes
L’esclavage moderne est présent dans de nombreuses indutries comme l’exploitation minière, l’agriculture ou l’électronique mais l’industrie de la mode réunie toutes ces industries lorsqu’un vetement ou un bijou est fabriqué. De plus, l’industrie repose de manière historique sur l’esclavage. Elle s’est d’abord établie grâce à la culture du coton et de la traite négrière et continue aujourd’hui à s’appuyer sur le travail forcé moderne. “Sans l’esclavage, l’industrie de la mode d’aujourd’hui n’existerait pas” explique Aja Barber une écrivain, styliste et consultante en intersectionalité et éco-responsabilité. La fast fashion repose sur une main-d’œuvre gratuite ou bon marché pour produire des biens à des prix incroyablement bas. De la récolte des matières premières à la fabrication, de l’emballage à la livraison des marchandises, l’esclavage moderne peut donc se présenter à toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement.
En plus de l’esclavage moderne, de nombreux risques peuvent apparaitre sur une chaîne d’approvisionnement de l’industrie textile. Ces risques peuvent dépendre de l’objet fabriqué, de l’emplacement de l’usine ou du contexte étatique (la volonté qu’a l’Etat de vouloir protéger ses travailleurs et sa population). En effet, il y a plus de risques humains et environnementaux lorsqu’un jean est fabriqué. Le coton non biologique est traité à l’aide de produits chimiques, la teinture détruit la faune et la flore et la technique de sablage pour obtenir l’effet dégradé est extrêmement dangereuse pour l’ouvrier ou l’ouvrière. En visitant une usine Athiya Khatri précise qu’il est important d’examiner différents éléments:
- Si les employés possèdent des dettes
- S’il n’y a eu tromperie sur leur poste,
- Si des heures supplémentaires excessives sont imposées
- S’il y a de la violence physique ou mentale
- Et si les conditions de travail sont bonnes.
Les femmes et les filles sont malheureusement plus touchées par ces risques, surtout par l’esclavage moderne. C’est également le cas des personnes ayant la peau plus foncée dans certaines régions. Certains risques peuvent être dus à l’inaction de l’Etat : c’est pour cela que les enseignes européennes choisissent de délocaliser leur main-d’œuvre dans le Sud global. Une usine se trouvant en Belgique a plus de chance de respecter les travailleur.e.s qu’une usine au Bangladesh. Les enseignes européennes choisissent de s’établir en Asie ou en Afrique car les règles sont quasi inexistantes ou peu respectées concernant le droit du travail. De ce fait, de nombreux scandales ont éclaté dans le Sud global comme au Nord. La marque anglaise Boohoo (2 milliards d’euros de chiffre d’affaires) qui possède des usines à Faisalabad au Pakistan a par exemple forcé ses ouvrières et ouvriers à travailler pendant le confinement même s’ils étaient positifs. En Europe, certaines entreprises utilisent des migrants ou les différentes vagues de réfugiés pour leur main-d’œuvre. Selon l’organisation caritative anti-esclavagiste Hope of Justice, Boohoo verse 3,86 euros de l’heure à ses travailleurs et travailleuses à Leicester. Ce qui est largement en dessous du salaire minimum. “L’esclavage moderne n’est pas une chose qui se passe “là-bas” et à laquelle nous ne devons pas penser” explique Clare Press, rédactrice en chef du magazine Vogue en charge de la durabilité et la présentatrice du podcast Wardrobe Crisis. L’industrie de la mode doit changer tout son système.
Que peuvent faire les entreprises ? Comment gérer les risques sur une chaîne d’approvisionnement ?
À l’aide des deux webinars donnés par Eurofins, les entreprises qui fabriquent des articles de mode peuvent utiliser 7 outils qui permettront la réduction et la gestion de leurs risques sur leur chaîne d’approvisionnement.
Selon Athiya Khatri et Randy Rankin, les entreprises doivent pouvoir tenir compte des risques techniques, sociaux, environnementaux et de sécurité présents sur leur chaîne d’approvisionnement.
Prendre connaissance des lois internes et internationales
Les deux experts conseillent aux entreprises de se renseigner sur les lois internes afin d’être conformes à celle-ci. Le contraire risquerait d’engendrer des frais pour non conformité. Heureusement, de nombreux textes de lois existent concernant cette thématique. Au Royaume-Uni, il y a le Modern slavery act, aux Etats-Unis, il y a le California Transparency in Supply Chains Act of 2010 et en France la Loi française sur le devoir de vigilance.
Toutefois comme signalé plus haut, certains États n’ont pas la volonté ou les moyens pour protéger leur population et les travailleurs avec des lois. Certaines entreprises profitent donc de cette situation. Parfois, l’État a pris connaissance de conventions internationales mais ne les a pas ratifiées.
2. Avoir une connaissance de sa chaîne d’approvisionnement
Il est important de chercher à savoir d’où part le produit, comment il est fabriqué, emballé et distribué. Pour cela, il faut entretenir des liens étroits avec ses producteurs, fabricants et distributeurs. La transparence doit être maximale. Elle devient difficile à atteindre lorsqu’il y a plusieurs sous-traitants. Une chaîne d’approvisionnement courte favorise la transparence et diminue les risques.
3. Adopter un code de conduite
Une bonne pratique consiste à adopter un code de conduite. Le code d’éthique est un texte qui énonce les valeurs et les principes d’une entreprise afin de pouvoir juger sa vitesse et son efficacité d’action. Il existe de nombreux codes qui ont pour but de fixer les normes qui constituent le strict minimum. Il est possible de créer un code d’éthique pour le recrutement ou pour la commercialisation d’un produit éthique. Vous pouvez également constituer une association d’entreprises responsables. Il est fondamental de savoir si les engagements qui sont formalisés sont suivis d’effet.
4. Former les employé.e.s
Les entreprises doivent sensibiliser les managers et les employé.es afin qu’ils soient responsabilisés et puissent identifier les risques eux-mêmes. Par exemple, pour l’esclavage moderne, une formation qui permet de l’identiifer puis montre les qu’elles actions entreprendre limiterait les abus.
5. Octroyer des fonds
Des fonds doivent être spécialement alloués à la recherche de risques. Par exemple via la création d’un poste. Ils peuvent aussi être utilisés pour réaliser un audit ou une évaluation des risques.
6. Réaliser une évaluation des risques
Une évaluation des risques consiste à inspecter de manière approfondie un lieu afin de déterminer s’il y a des éléments qui peuvent causer des dommages aux personnes ou à l’environnement. Une fois les risques identifiés, il est important de mettre en place le plus rapidement possible des mesures afin d’empêcher sa réalisation. Lors d’une évaluation des risques, les résultats sont très précis.
Il est possible d’effectuer une évaluation sur une partie de votre chaîne, par exemple sur la partie qui se trouve en Chine ou au Pakistan. Cela permet de mener une diligence raisonnable efficace.
7. Effectuer un audit
Un audit est un examen qui permet de vérifier la gestion et le fonctionnement d’une entreprise ou des services qu’elle propose. Cet outil a été mis en place grâce au mouvement anti-sweatshops des années 90. Il y a plusieurs sortes d’audits: l’audit social contrôle les pratiques sociales, l’audit financier contrôle les dépenses et l’audit interne est une étude effectuée par l’entreprise elle-même sur sa gestion.
Randy propose aux entreprises d’effectuer des audits de conformité sociale, des audits de sécurité, des audits techniques ou des audits environnementaux.
“Nous identifions les risques comme le travail des enfants et l’ empreinte carbone élevée” dit Randy. Selon Eurofins, l’évaluation des risques vous donnera plus d’informations que l’audit mais les deux se complètent. L’audit interne permet de s’auto-contrôler et voir ce qui fonctionne ou pas. Il est également possible de demander à un tiers d’effectuer un audit. Il y a un véritable marché pour les audits et la distribution de certificats: SA 8000, FLA, ETI, BSCI, ICS. Toutefois, l’audit n’est pas l’outil miracle: “L’incendie meurtrier d’Ali Enterprises au Pakistan est un exemple tragique de ce qui est en jeu : une société d’audit avait certifié un atelier de confection manifestement dangereux quelques semaines seulement avant l’incendie qui a fait plus de 250 morts, et les familles des victimes doivent encore se battre pour obtenir justice près de dix ans plus tard”, a déclaré Neva Nahtigal de la Clean Clothes Campaign. De plus, cet outil peut être source de tensions. En faisant appel à cet outil une usine “met en danger” son approvisionnement et ses relations avec les fournisseurs. Il est difficile pour les entreprises de rompre systématiquement leurs relations. Concernant l’audit social: évaluer les conditions de travail par un organisme externe n’a pas de sens, il suffirait d’interroger les travailleurs et les travailleuses présents sur le lieux.
La directive sur le devoir de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme et de l’environnement obligera les entreprises de plus de 500 employés à prévenir et à atténuer les dommages causés aux personnes, à la planète et sur leur chaîne de production. “Pour la première fois dans l’UE, les sociétés mères et les sociétés principales seront responsables des dommages causés par leurs filiales ainsi que par leurs fournisseurs directs et indirects.”
Le devoir de vigilance oblige les entreprises à prendre des mesures nécessaires en vue du respect des droits humains, sociaux et de l’environnement. Cela concerne leur activité mais aussi leurs filiales, leurs fournisseurs et leurs sous-traitants. Les entreprises ont donc deux obligations: le devoir de rester vigilant face aux risques et le devoir d’agir et de réparer lorsque le risque survient, soit “ faire preuve de diligence raisonnable (due diligence) et réparer les dommages causés (duty of care)”. Le devoir de réparation n’est actuellement pas mis en place et les victimes de la fast fashion et leurs proches se retrouvent sans rien.
Jill McArdle, responsable de la campagne sur la responsabilité des entreprises aux Amis de la Terre Europe sur les effets de cette directive: “Si cette proposition de loi reconnaît enfin que les entreprises sont responsables de leurs filiales, elle ne donne pas les moyens aux personnes victimes de violations commises par des entreprises qui tentent de poursuivre leurs auteurs en justice”.
Toutefois pour certaines associations, cette directive ne va pas assez loin.
Selon l’association achACT, “Le projet de directive ne s’attaque pas aux nombreux obstacles juridiques qui empêchent les victimes des activités des entreprises d’accéder à des voies de recours judiciaires : charge de la preuve disproportionnée, coûts élevés des procédures, etc.”Selon le réseau et une étude en cours sur le secteur belge du textile: “seules 11 entreprises belges du secteur tomberaient sous le coup de la directive. Un champ d’application si restreint met à mal l’objectif même de la proposition de directive et risque de ne pas pouvoir prévenir la survenance d’incidents dans les chaînes de valeur”.
Pour EURACTIV, le chiffre est encore plus bas. Elle ne concernera que 1 % des entreprises de l’UE et elle sera moins efficace que la loi française: “les petites et moyennes entreprises, qui comprennent les microentreprises et représentent globalement environ 99 % de toutes les entreprises de l’Union et elles ne seront pas soumises au devoir de diligence raisonnable ”. Toutefois, il est précisé que les entreprises qui emploient plus de 250 employés, qui possèdent un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros et qui exercent leurs activités dans un secteur à haut risque seront également concernées. C’est le cas de l’industrie du textile.
Les ONG et les associations auraient voulu une prise en compte plus large et plus effective mais ce n’est que le début.
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